“C’est le souvenir d’un poids, de quelques petits kilos qui reposent sur mes avant-bras, que je porte avec la plus grande délicatesse, avec la plus grande fierté. J’ai cinq ans Et dans mes bras, ma petite sœur.
Ma première petite sœur, et mon premier souvenir d’enfance. Il n’y a pas de photo de ce moment où je traverse la cour de récréation avec ma sœur, pour la montrer à mon institutrice et tout le personnel de l’école. Ce souvenir d’enfance est le mien. Le premier. Le plus lointain.
Et j’aime encore me souvenir du poids sur mes avant-bras.
Et vous, à quoi ressemblent vos souvenirs de l’enfance ? Quelles sont les émotions qui vous étreignent à l’évocation de ce passé ?”
Premiers souvenirs, premières sensations
Les souvenirs d’enfance sont souvent liés à un lieu, ou à une lecture. Le premier souvenir de Maialen Berasategui date de ses un an et demi, un souvenir de sa sœur, à son baptême, avec des fleurs dans les cheveux. “Et puis j’ai de souvenirs de carnaval, de costumes.” On dit qu’on se souvient à partir de trois ou quatre ans, l’historienne, elle, explique qu’elle n’est pas hypermnésique, avec un excès d’informations en mémoire, mais qu’elle a dû très tôt arrêter de parler basque pour apprendre le français, elle pense avoir alors eu cette sensation de devoir se rappeler. “J’ai eu l’info que j’étais en train d’oublier des choses, donc j’ai pu fixer des choses que j’aurais complètement oubliées sinon.” Cela est certainement à ses yeux l’une des raisons pour lesquelles elle a une relation singulière avec les enfants et s’intéresse particulièrement à eux.
Pour Alexis Dormal, auteur de BD, c’est un souvenir de livre, une histoire qui faisait peur choisie un soir par sa mère. “Elle est arrivée avec une bougie sous son visage, il est clair qu’elle voulait faire peur, et nous, on était morts de rire.” Pour Hortense Raynal, poétesse, “c’est plus de l’ordre du magma”. C’est sortir dans la cour de la ferme de ses grands-parents et apercevoir un truc bizarre par terre, “c’était un placenta de veau qui venait de naître dans la nuit“, sourit-elle, “vous pouvez imaginer la curiosité d’enfant de voir cet objet complètement inconnu“.
Il n’y a pas de définition de ces souvenirs, ni joyeux, ni tragique, qui souvent font appel à un ou plusieurs sens. Hortense Raynal pense que le monde de l’enfance est celui-là, “le monde des sensations ou la perception des sensations règne“. On ne connaît alors pas encore les sensations et les découvre une à une.
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Invité.e.s :
- Hortense Raynal est poétesse, performeuse, autrice de Ruralités (Carnet du dessert de lune 2021), Bouche-fumier (Cambourakis 2024 édition en poche en 2025 ) et Abandons (La Crypte 2025).
- Alexis Dormal est dessinateur de Pico Bogue et Ana ana chez Dargaud. Le 3 octobre 2025 sortiront le tome 17 de Pico Bogue sous-titré ” questions existentielles” et le tome 26 de la série jeunesse Ana Ana, sous-titré “jeu d’automne” à partir de 3 ans.
- Maialen Berasategui est historienne, autrice de La comtesse de Ségur ou l’art discret de la subversion (éditions PUF Rennes)
