Raul Paz est l’invité exceptionnel du Monde d’Élodie sur franceinfo avec ses 12 albums et notamment le petit dernier, Guajiro chic, sorti en mars 2025. Ce parcours d’artiste cubain reconnu, respecté et qui force le respect, est devenu une source d’espoir et d’inspiration pour celles et ceux qui peinent à croire à un avenir meilleur et plus libre.
franceinfo : La France vous a accueilli à 27 ans. Ça a été une énorme révélation, vous y avez étudié et travaillé. Est-ce qu’elle a une saveur particulière cette France ?
Raul Paz : Oui, je dis souvent que j’ai eu la chance d’avoir plusieurs vies. Cette vie française, c’était extraordinaire, surtout que je n’imaginais pas venir. J’étais étudiant de musique classique à l’époque et j’ai envisagé soit d’aller en Allemagne, en France ou en Italie. Finalement, c’est la France qui est arrivée, mais je n’étais pas préparé du tout. Je ne parlais pas la langue et après, j’étais fasciné.
“Mon arrivée en France était un cadeau.”
Le premier soir, j’ai été au Trabendo, à la Villette, et là, il y avait une “jam-session” des Musiciens du monde. Il y avait tout le monde, des Africains, des Asiatiques et là, je me suis dit : “C’est là que je veux être”. La France représentait le commencement d’une vie. C’est là où j’ai eu mon premier boulot, je n’avais jamais travaillé.
En même temps, quand vous êtes arrivé, vous étiez très pauvre et vous n’aviez pas les moyens.
Je n’avais rien. Je suis même allé dans le métro, un jour, pour jouer avec un copain, essayer de gagner quelque chose. On n’a rien gagné. J’ai chanté dans des bars, toujours avec beaucoup d’enthousiasme, je savais que ça pourrait aller. J’ai été étonné par la façon que vous avez les Français, d’accepter l’art et la musique des autres. C’est la première fois que j’ai travaillé, que j’ai eu des enfants, que j’ai payé des impôts. Même ça, c’était quelque chose de très symbolique pour moi qui étais un enfant d’un pays qui ne voulait plus de moi. J’ai surtout appris un mot qui, aujourd’hui, s’emploie sans beaucoup de sens et que j’aime beaucoup : la liberté. J’en suis éternellement reconnaissant.
Comment avez-vous appris que vous n’étiez plus chez vous à Cuba ?
C’était dur parce que je ne voulais pas partir. J’avais des parents jeunes et je me voyais mal ailleurs. Le fait de partir étudier ailleurs était considérer comme une trahison. Donc du jour au lendemain, on m’a dit : “Tu ne rentres plus. Soit tu repars et tu renonces à ton école, soit tu restes”. J’ai appelé mon père qui était un bon communiste et il m’a dit : “Mon fils tu as 27 ans, c’est ta vie, ton choix. Personne ne peut le faire pour toi”. Donc j’ai décidé de rester. J’avais mes papiers, je n’étais pas illégal, en France, il y avait mon école. C’est la plus grande décision de ma vie.
Vous êtes le seul artiste cubain qui a réussi dans le monde entier, avec le Buenavista Social Club. Est-ce que ça vous touche, de vous dire que vous êtes le représentant artiste le plus important du pays ?
Ç me touche beaucoup encore plus quand j’ai des messages de Cubains qui ne sont jamais sortis de Cuba. Là, j’ai eu un petit message d’une dame qui me suit sur les réseaux. Elle savait que je venais en France présenter mon nouvel album. J’avais un peu peur parce que ça faisait longtemps. Elle m’a écrit : “Allez-y, représentez-nous bien comme on est !” Ça me touche beaucoup d’avoir des gens simples qui pensent qu’on peut être aussi un petit représentant de leur pensée et de leur façon de voir les choses.
Je voudrais qu’on parle de la chanson C’est comme ça pour Florent Pagny. Vous avez beaucoup travaillé avec lui et ça a donné aussi naissance plus tard à l’album Habana.
Florent, faisait des chansons en espagnol et son fils lui a dit : “Tu devrais aller voir ce chanteur cubain”. À l’époque, j’avais fait un album qui s’appelle Un Casa. Florent m’appelle et me dit : “L’album est presque fini. Tu crois que demain, tu peux m’avoir une chanson ?”
“C’est le premier effort que j’ai fait pour me rapprocher de la France d’une certaine façon.”
Je connaissais un peu sa musique et c’est une chanson qui est sortie d’un coup et qui nous a liés d’amitié. C’est d’une importance capitale cette chanson.