Fin avril dernier, Joanna circule sur l’A40 en Haute-Savoie. Alors qu’elle roule entre 110 et 130 km/h, sa voiture freine en pleine voie. “Elle s’est arrêtée, sans action de ma part et alors qu’il n’y avait aucun obstacle devant moi. La voiture derrière est venue me percuter, et mon véhicule a fait un 180 degrés”, raconte cette habitante de Décines, dans le Rhône. Les passagers s’en sortent avec des entorses cervicales et des hématomes, mais les deux véhicules sont irréparables.
Pour Joanna, il s’agit d’un “freinage fantôme” : “Ma voiture est équipée d’aide à la conduite, y compris d’un système d’aide au freinage et ça m’était déjà arrivé que ça se déclenche, y compris à des moments pas forcément opportuns, mais à faible vitesse, et il y avait toujours une raison. Et il y avait un signal sonore ou visuel à ce moment là. En avril, ce n’a pas du tout été le cas.”
Un appel à témoignages et 250 réponses reçues en un mois
Après un passage à l’hôpital, Joanna et le conducteur de l’autre voiture sont auditionnés par la gendarmerie. Ils doivent porter plainte l’un contre l’autre, c’est la procédure. Les gendarmes demandent une expertise du véhicule de Joanna, mais la justice refuse. “Officieusement, je sais que c’est parce que c’est trop cher et qu’il n’y a pas eu de décès”, confie Joanna. Refus également de son concessionnaire Peugeot. Joanna ne se satisfait pas de ce refus, et décide, début juillet, de contacter le journal Le Progrès pour raconter son expérience et tenter de trouver d’autres automobilistes dans la même situation.
Joanna crée une adresse mail. En un mois, elle reçoit plus de 250 témoignages. Des “freinages fantômes” qui concernent des voitures de toutes les marques. Et des expériences qui s’étalent sur les quatre dernières années. Tous n’ont pas eu d’accident, mais ont désormais très peur d’utiliser leur voiture. “Ça va du petit incident – le véhicule freine parce qu’il interprète une ombre ou un virage – sans conséquence, jusqu’à l’accident comme pour moi, voire, pour certains, un accident mortel”, explique-t-elle.
Un accident mortel sur l’A7
C’est ce qui est arrivé à Aurélie, en décembre 2023, sur l’A7 dans la Drôme. “On revenait de déplacement avec mon assistante. J’étais à vitesse normale sur l’autoroute. Et la voiture a freiné subitement, alors que j’étais en train d’accélérer. En quelques secondes, on est passé de 130 km/h, à l’arrêt. On a été percutées par l’arrière. Ma passagère est décédée, je suis tombée dans le coma”, témoigne-t-elle.
Quand elle se réveille, Aurélie cherche à comprendre : “Je suis absolument certaine de ne pas avoir freiné. Il n’y a pas eu de bip sonore, de lumière. C’est comme si on avait enclenché un fort moteur puissant.” Sa voiture, une Skoda, a été expertisée trois fois sans qu’une défaillance ne soit trouvée. Ce qu’elle a du mal à accepter, car sa voiture avait déjà connu des problèmes électroniques les semaines précédant l’accident mortel, avec des problèmes avec le GPS, ou pour connecter la musique. Le concessionnaire avait examiné le véhicule, sans trouver de dysfonctionnement.
Aurélie a été jugée en mai dernier et condamnée, début juillet, à de la prison avec sursis pour homicide involontaire. Ses avocats lui ont conseillé de ne pas faire appel, estimant qu’elle avait été entendue lors de son procès et que sa peine était clémente. C’est sa famille qui lui a envoyé à plusieurs reprises l’article du Progrès qui évoque l’accident de Joanna. Elle lui a écrit pour tenter de faire la lumière sur ces freinages fantômes. “Mon objectif, c’est que justice soit rendue, que la vérité soit faite. Que quand il y a un défaut sur une voiture, ce soit reconnu, pour la victime, pour les familles. Ça ne ramènera pas ceux qui sont partis, mais ça pourra changer le futur, parce qu’on aura renforcé les contrôles, parce qu’on sera plus vigilant.”
Pas de preuve pour l’instant
Joanna, elle, n’a pas obtenu d’expertise mais refuse pour l’heure d’envoyer sa voiture à la casse, même si cela bloque son dossier aux assurances et l’empêche d’être indemnisée. Elle affirme avoir démarché Peugeot pour en savoir plus sur les causes possibles des pannes qui touchent leurs modèles, mais sans réponse, dit-elle. Contacté par France Inter, Peugeot indique que le dossier de Joanna “est entre les mains de l’assurance du client. Vraisemblablement, celle-ci ne souhaite pas nous solliciter pour l’instant”.
Il n’y a pour l’instant aucune preuve d’un défaut du constructeur (plusieurs marques sont concernées) ou d’un sous-traitant, ni même d’un dysfonctionnement des véhicules. Avec son appel à témoins, la jeune femme a pour objectif de pouvoir faire pression pour obtenir de premières réponses, voire identifier une ou des causes potentielles, avant, peut-être, d’entamer des démarches en justice.
Si vous souhaitez témoigner d’un incident similaire, vous pouvez contacter cette adresse mail : [email protected]