The Hardt’s state forest, near Mulhouse, is the oaks massif that suffers from the drought in France according to scientists. Here Alsace went to the foot of these dead trees, dried on the spot, like huge wooden skeletons.
C’est la forêt de chênes qui souffre le plus de la sécheresse en France. La Hardt s’étale sur 13 000 hectares à l’est de Mulhouse (Haut-Rhin). Les arbres, surtout des chênes, accompagnés par des tilleuls et des charmes, dépérissent sur place. Ils perdent d’abord leurs feuilles, puis les branches se pétrifient au soleil, avant que l’arbre, tout entier, meurt, des racines jusqu’à la cime. La situation est étudiée depuis 30 ans par une chercheuse de l’Institut Nationale de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE), en lien avec les agents forestiers de l’Office National des Forêts (ONF). ICI Alsace les a accompagnés dans cette forêt, morcelée par la sécheresse.
Le massif de chênes le plus fortement touché par la sécheresse en France
Il suffit de s’aventurer quelques mètres, dans les sentiers forestiers bordés par les rondes, pour les voir se détacher des autres feuillus. Des arbres morts, presque grillés par le soleil, se multiplient dans le paysage de la Hardt. “Il y en a partout, voyez“, montre du doigt Nathalie Breda, chercheuse à l’INRAE, spécialiste depuis 1995 du dépérissement forestier, ce sont des arbres complétement secs ou avec beaucoup de branches mortes. Ce sont des arbres qui sont perdus.“
Parmi les 80 chênaies – forêts où le chênes est l’essence majoritaire – étudiés par l’INRAE en France, celui de la forêt de la Hardt est le plus touché par la sécheresse en France. La pluviométrie y est relativement basse et les vagues de chaleur se sont multipliées depuis 2011, avec des sécheresses très marquées en 2018, 2019 et 2020. Les arbres ont manqué d’eau et la nature du sol, très filtrant, ne facilite pas le stockage de la ressource. “On a observé des sécheresses de printemps, comme par exemple en 2011“, note Nathalie Breda, cela perturbe la végétation au moment où elle est censée redémarrer après l’hiver. Et puis, il y a eu, au contraire, des sécheresses d’arrière saison, comme en 2018. Cela a commencé assez tard dans l’été, et s’est prolongé jusqu’en décembre.“
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La scientifique se déplace dans la forêt pour mesurer les conséquences de ces sécheresses à répétition. Elle utilise un appareil électronique qui, orienté vers le ciel, calcule l’exposition du sol à la lumière du soleil. Plus il y a de feuilles dans les arbres, plus la pluie aura du mal à atteindre la terre, et à terme les racines des arbres. “Ce que l’on constate, c’est que ce dépérissement s’installe dans le temps, une dizaine d’années“, estime Nathalie Breda, le nombre d’arbres, le nombre de chênes, diminue dans le massif parce qu’ils se dégradent.“
La diminution de grands chênes, avec une belle couronne qui s’étale pour former une canopée, profite à la végétation située en-dessous. Cette dernière, constituée de buissons, plantes, arbustes, parvient à mieux capter les rayons du soleil et la pluie. Mais les petits arbres sont, eux aussi, frappés par la sécheresse, en témoignent leurs feuilles déjà marrons, alors que les spécimens mesurent tout juste 1.50m de haut. Ce qui pousse l’ONF a repenser la nature de cette forêt alsacienne dans les années, décennies, à venir.
“Les belles forêts vertes, ça va être terminé”
La première solution est d’aménager la forêt pour faciliter le développement des essences d’arbres déjà présentes, mais l’ONF compte aussi implanter dans la forêt de la Hardt des essences habituées à un climat sec, comme le cèdre ou les sapins méditerranéens. Le temps joue contre les agents forestiers. “Le problème, c’est que l’évolution est tellement rapide… On a des craintes sur la capacité d’adaptation des essences“, décrit Bruno Gaston, responsable territorial pendant douze ans dans la Hardt. Nathalie Breda défend aussi la venue de ces espèces plus méditerranéennes, mais c’est sur le volet réglementaire que cela bloque.
La forêt de la Hardt est, en effet, classée Natura 2000. A ce tire, elle est soumise à une réglementation spécifique pour protéger des animaux et une biodiversité spécifique. Ce qui empêche l’ONF d’y implanter des arbres plus adaptés à la sécheresse. “C’est un frein à l’adaptation”, regrette la chercheuse à l’INRAE, ce sont des messages que nous faisons remonter, nous, scientifiques, au ministère, parce qu’il y a des choses contradictoires aujourd’hui. Il y a des vrais blocages réglementaires.”
“Il faudrait changer les contraintes Natura 2000 pour introduire d’autres essences réputées plus résistantes au réchauffement climatique“, ajoute Bruno Gaston, donc les belles forêts vertes qu’on connaissait il y a 40 ans, avec une grosse production de chênes, cela va être terminé.” Ce changement va se faire sur le long terme, avec un coût qui devra être porté par l’Etat et les collectivités locales. Le chantier s’annonce colossale vue la superficie de la forêt.